La correspondance
Nous avons conservé de Libanios 1544 lettres. Elles vont de mars 355, peu après son retour à Antioche, à 393, date de sa mort. Nous présentons ici un choix de lettres de la fin de sa vie (de 388 à 393).
L’édition utilisée est celle de Richard Foerster, publiée dans la Bibliotheca Teubneriana (vol. XI, 1922). Nous la reproduisons à l’identique, sans apparat critique. Notre contribution consiste à livrer une traduction de chacune des lettres, assortie de notes explicatives.
Histoire de la transmission :
Il faut rappeler l’histoire de la transmission de cette immense correspondance pour mieux en comprendre les enjeux. On sait qu’une fois écrites et envoyées, les lettres étaient copiées par l’auteur ou un copiste, puis archivées. Libanios les destinait donc à une forme de publication ou du moins de mémoire. L’ordre des lettres et leur répartition en 6 livres ont peut-être été décidés et préparés par l’auteur lui-même (Schouler 1984, p. 47 et Cabouret dans Van Hoof 2014a, p. 144-159). Mais les hasards de la transmission – auxquels a pu se surajouter la volonté de faire disparaître des écrits risquant de paraître suspects – ont perturbé ce programme.
La transmission de la correspondance de Libanios a, en effet, connu une énorme interruption à partir du milieu de l’année 365 ; le corpus reprend en 388 et seules quelques lettres éparses (une quinzaine) ont survécu pour la longue période courant de 372 à 388 ; la chaîne des lettres s’interrompt à nouveau brutalement au milieu de 388, puis reprend à partir de 390. Ce n’est sans doute pas une pure coïncidence si cette seconde rupture correspond à l’éclatement de « l’usurpation » de Procope et à l’élimination définitive de celle de Maxime (Norman 1992 II, note a, p. 302).
La lettre 840 :
La lettre 840 (de 388) joue un rôle charnière (voir Van Hoof 2014b). C'est la première lettre transmise (volontairement ?) après la très longue interruption de la correspondance. Les raisons de cette immense lacune sont difficiles à déterminer exactement et plusieurs causes ont pu se combiner. De même, on ne peut affirmer que toutes les lettres des années 355-365, puis 390-393 ont été conservées. Enfin aucune lettre de correspondant ne nous est parvenue à l’exception de lettres de l’empereur Julien (ep. 97 et 98).
Le style et l'apport des lettres :
Il s’agit d’une œuvre à l’abord difficile : Libanios y déploie son goût pour l’implicite et l’allusif ; il faut dire que ces lettres, bien que destinées à devenir publiques, étaient évidemment adressées en premier lieu à des destinataires sachant parfaitement quel était leur objet. Mais cette difficulté mérite d’être dépassée : ces lettres représentent une source inestimable d’informations et d’enseignements sur l’histoire de leur temps. Elles abordent en effet toutes les facettes de la vie des cités de l’Orient romain du règne de Constantin à celui de Théodose. Nombre de grands sujets du siècle y sont abordés ou évoqués : les tâches des curiales et les difficultés des curies, les rapports avec les gouverneurs et les questions fiscales, l’organisation des jeux, les constructions et la politique urbaine, la vie scolaire et l’évolution des études supérieures, la carrière des jeunes gens formés à la rhétorique et/ou au droit... Il est encore bien d’autres sujets abordés tant les différentes questions – anecdotes ou affaires graves – croisent les grands enjeux du siècle. Les lettres révèlent aussi l’ampleur du réseau de Libanios : O. Seeck, 1906, signalait déjà qu’elles constituaient, juste après le Code Théodosien, la source la plus importante pour la prosopographie du IVe siècle.