Lettre 844

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Année 388

(Dossier Eusébios XXVII/26)

Lettre adressée par Libanios à Eusébios XXVII/26, magister officiorum en 388 (Petit 1994, p. 100), pour le remercier de lui avoir sauvé la vie en le lavant de l'accusation d'outrage à l'empereur. Une autre interprétation fait du destinataire de cette lettre Eusébios XXII/24, le sophiste (Pellizzari 2017, p. 844-845).

Εὐσεβίῳ
 
à Eusébios
1. Ἤιδειν ὅτι μισήσεις τὸν τὰς πολλὰς ἐρωτήσεις ἐκεῖνον ἐπ’ ἐμὲ πεποιημένον καὶ μόνον οὐ πληγαῖς ἀναγκάσαντα ῥῆμα ἀφεῖναί τι κατ’ ἐμοῦ Ῥωμύλον, ἀφ’ ὅτου με ἔμελλε κακώσειν. πέπρακται δὲ αὐτῷ καὶ ἄλλα τοῖς νόμοις ἐναντία καθ’ ἑτέραν ἀρχήν, ὧν τὰ μὲν ἑωρῶμεν, τὰ δὲ ἀκηκόαμεν. 2. ἀλλ’ ἐκεῖνος μὲν ἔστω τοιοῦτος· δεῖ δὲ σὲ τοῦ πράγματος τοιαύτην τελευτὴν εἰληφότος τὸν ὅπως μὴ τοιαύτην λάβοι μεμηχανημένον βουλόμενον αὑτῷ κἀντεῦθεν γενέσθαι τι σαυτοῦ νομίζειν εὐεργέτην, εἰ καὶ δειλὸν αὑτὸν οὐκ ὢν δειλὸς ἐποίει. 3. οὐ γὰρ ἴσον οὐκ ἴσον, ἀμαχεί τε ἀνελέσθαι νίκην καὶ μετὰ πόνων. ἐχούσης γὰρ δὴ φιλοτιμίαν τῆς νίκης ἔχει τι λαμπρὸν καὶ ὁ πόνος, ἐπεὶ καὶ Ἀχιλλεῖ τὸ στῆναί τε τὸν Ἕκτορα καὶ μαχέσασθαι. εἰ δ’ εὐθὺς ἰδὼν τὸν τοῦ Πηλέως ὁ Πριάμου γονάτων τε τῶν ἐκείνου ἥπτετο καὶ ἱκετεύων ἀπέθνησκεν, οὐκ ἂν ἦν ὅσον γε νῦν. 4. καὶ σὲ τοίνυν ἐνδοξότερον ἔθηκεν ὁ τόπου μὲν εἰς τόπον ἐκβαλεῖν ἐθελήσας, ἐν δὲ τῇ πάλῃ καταπεσών. σὺ δὲ ἀπῃτοῦ τήνδε τὴν νίκην ὑπὸ τῶν περὶ Κίμωνά σοι κατωρθωμένων. ὁ γὰρ οὗ περὶ χρημάτων ὁ λόγος τοιοῦτος φανεὶς πῶς οὐκ ἂν ἠδίκει καὶ τὰ μείζω μὴ διασώζων ῥυόμενος σφαγῆς ἐπ’ αἰτίᾳ τοιαύτῃ, ἣ μικρόν τι πρὸς αὑτὴν ἐποίει τὸν θάνατον;   1. Je savais que tu haïrais cet homme qui a le plus souvent mené ses enquêtes auprès de moi[1] et qui en est presque venu aux coups pour contraindre Romulos à proférer contre moi une parole susceptible de me nuire[2]. Il[3] a déjà perpétré d’autres actions contraires aux lois lors d’un précédent commandement[4] : les unes, nous les avons vues, les autres, nous en avons entendu parler. 2. Eh bien, que cet homme reste comme il est ! Mais toi, l’affaire s'étant conclue de la sorte[5], tu dois considérer comme un bienfaiteur celui qui a été manipulé pour qu’elle ne se conclue pas ainsi - il voulait en retirer quelque chose pour lui - : même s’il se rendait méprisable, il n’est pas méprisable[6]. 3. En effet, on ne peut comparer ce qui n’est pas comparable : remporter la victoire sans combat ou la remporter au prix d’efforts. Car si la victoire procure de l'honneur, il y a aussi du prestige dans l’effort, puisqu’il y en eut même pour Hector à se dresser contre Achille[7] et à le combattre. Et si, aussitôt après avoir vu le fils de Pélée, celui de Priam[8] avait touché ses genoux et était mort en suppliant, sa gloire ne serait pas aussi grande aujourd’hui[9]. 4. Toi aussi il t’a fait gagner en réputation celui qui a voulu te chasser d’un lieu pour un autre et est tombé dans la lutte[10]. Mais toi tu réclamais cette victoire[11] car tu avais rétabli la situation de Cimon[12]. En effet, celui dont le discours au sujet du patrimoine[13] a été si brillant comment n'aurait-il pas commis un tort s'il n'avait pas aussi sauvé l'essentiel[14] en m'évitant l'immolation[15] après une accusation si grave[16] qu'elle réduisait, en comparaison, la mort à peu de chose ?
  1. Eustathios, alors consularis Syriae.
  2. Les persécutions exercées par Eustathios sur le curiale Romulos sont évoquées dans Or. LIV, 39, 62, 78 et Or. I, 273. Bien qu'appauvri, Romulos fut contraint pas Eustathios à exercer la sitegia, une liturgie ruineuse (transport de blé pour le service public). Eustathios lui avait promis de l'en dispenser à condition qu'il accuse Libanios, son ami, d'avoir recours à la mantique pour connaître le nom du successeur de Théodose. Au cours de l'été 388, la victoire de l'empereur sur Maxime n'était en effet pas encore assurée.
  3. Eustathios.
  4. On ne sait de quel commandement il s'agit précisément.
  5. L'issue de l'affaire est favorable à Libanios qui a été lavé du soupçon d'avoir eu recours à des procédés divinatoires (cf. ep. 840, 2). Faut-il lier cela au soupçon qui a pesé sur Libanios d'avoir soutenu Maxime ? La divination pouvait être utilisée pour connaître le nom du successeur d'un empereur en place.
  6. Celui qui a été manipulé pour calomnier Libanios est vraisemblablement le curiale Romulos évoqué plus haut dans la lettre.
  7. Libanios évoque les deux ennemis les plus célèbres de la guerre de Troie pour montrer qu'accepter le combat est toujours source de gloire, quelle qu’en soit l’issue.
  8. Respectivement Achille (le fils de Pélée) et Hector (le fils de Patrocle).
  9. Littéralement : « il ne serait pas tout ce qu’il est aujourd’hui ».
  10. L'homme incriminé ici est Eustathios qui, convaincu de malversations et de vols après quelques mois de gouvernement à Antioche, s'enfuit à Tyr.
  11. « Cette victoire » est la victoire remportée sur Eustathios qui menaçait à la fois Eusébios, Libanios et Cimon.
  12. Allusion aux démarches de Libanios pour faire reconnaître son fils Cimon comme son héritier légitime et au soutien d'Eusébios dans cette affaire : vers 381, Libanios a reçu l'assurance que ses biens reviendraient à Cimon (Or. I, 196).
  13. Il s'agit de l'intervention du sophiste auprès de Théodose : cf. note précédente.
  14. La vie même de Libanios, bien plus importante que le patrimoine.
  15. C'est Libanios qui, grâce à Eusébios, a échappé à « l'immolation ». On comprend qu'Eusébios, après avoir plaidé la cause de Cimon auprès de l'empereur en 381 (cf. note 12) a cette fois usé de son influence pour que Libanios soit lavé de tout soupçon. Le terme σφαγή est particulièrement fort : il désigne l'égorgement d'un animal lors d'un sacrifice.
  16. Qu'il s'agisse de l'accusation d'avoir soutenu l'usurpateur Maxime ou d'avoir eu recours à la divination, les deux crimes auraient été sévèrement punis.