Dossier Thalassios
Dossier Thalassios
Dans les années 390, Libanios est amené à s’impliquer dans une affaire qui lui tient beaucoup à cœur : la défense de Thalassios.
« L’affaire Thalassios » peut être résumée ainsi : l'homme n'appartient pas à une grande famille curiale, mais au milieu des artisans ; son père (« un homme juste », ep. 924) possédait une fabrique d’armes et a dû faire fortune. Thalassios hérite de la fabrique d'armes, mais n'y travaille pas de ses mains. Cette fortune intéresse la curie d’Antioche, qui voit en Thalassios un liturge idéal. Il a déja été requis en 388-389 pour assurer une sitegia (Or. LIX, 47). Les curiales veulent donc admettre l'adjoint de Libanios au sein de leur ordre : le voilà promis à l’honneur, mais aussi aux servitudes de la curie. Il décide alors - sur les conseils d'aucuns, ep. 926 - de présenter sa candidature au Sénat de Constantinople pour échapper au statut de curiale. La procédure d'admission au Sénat, qui est une cooptation, mais sous le contrôle de l'empereur, est complexe ; les lettres de Libanios qui évoquent les démarches de son ami peinent à nous éclairer. Si l'on suit l'interprétation que donne André Chastagnol (1990, p. 58-62), l'empereur aurait dû intervenir à deux reprises, d'abord en acceptant la candidature de Thalassios (ce qui représente un avis favorable transmis au Sénat : cet avis ou autorisation émanant de la cour serait les grammata évoquées par Libanios, Or. XLII, 6), puis en entérinant le vote favorable du Sénat, avec envoi des codicilles de nomination comme clarissime. Le vote du Sénat, face à la recommandation de l'empereur est en effet généralement un oui, mais peut être un non... En l'occurrence, c'est ce qui se produit : les sénateurs refusent de coopter Thalassios sous le prétexte d’une origine trop humble et de son indignité de condition, preuve - selon Chastagnol - que le Sénat pouvait jouer un rôle dans le recrutement de ses membres. En réalité, la législation qui visait à endiguer la « fuite » des curiales était alors impossible à contourner (cf. CTh XII, 1, 94) : l’accès au Sénat était quasiment interdit aux curiales. La situation était particulièrement délicate pour la cité d’Antioche qui venait juste d’obtenir le pardon de Théodose après la révolte des statues (de 387) et l’on comprend que les notables antiochéens, comme les hauts fonctionnaires, n’aient pas pris le risque, dans ces circonstances, d’aller contre la législation théodosienne.
Libanios avait pourtant déployé tous les efforts et multiplié les lettres de recommandation à des sénateurs et à de puissants correspondants pour essayer de les persuader, alors qu’il espérait encore un revirement de ses membres. Il ne rédigea pas moins de douze lettres (922 à 930 et 932, 936-937), envoyées après la séance du Sénat où la candidature de Thalassios avait été rejetée, et un discours, l’Or. XLII Pour Thalassios. De fait, Thalassios ne fut pas coopté, mais Libanios proposa une dernière solution : que l'empereur nommât Thalassios à une charge de gouverneur ou de vicaire, poste élevé qui lui assurerait de facto le clarissimat (Or. XLII, 54). Cette requête ne dut pas aboutir, puisqu'on retrouve Thalassios aux côtés de Libanios en 392-393.
La lettre 951 (sans relation avec l'affaire) lui est adressée ; les lettres 922, 923, 924, 925, 926, 927, 928, 929, 930, 932, 936, 937, 939, 943, 1031, 1057, 1059, 1103 l'évoquent. Le discours XLII, ΥΠΕΡ ΘΑΛΑΣΣΙΟΥ, lui est entièrement consacré.
Bibliographie
Petit 1957 ; Dagron 1984, p. 155-157, 170-171, 264 ; Chastagnol 1990 ; Laniado 2018, p. 421.